L’industrie de la pêche au Mexique se classe au 14e rang dans le monde, d’où l’importance de protéger ses rives et ses voies navigables. Récemment, la Banque Scotia a collaboré avec le gouvernement mexicain dans le but d’émettre une obligation bleue pour recueillir du financement qui permettra d’investir dans la pêche et l’aquaculture durables.

Une obligation bleue est un instrument financier qui sert à réunir des fonds pour investir dans des projets liés à l’eau, comme l’adaptation aux changements climatiques en zones côtières, le nettoyage des eaux navigables et le soutien des pratiques de pêche plus durables. Cette émission d’obligation bleue, en décembre 2024, a totalisé 4,500 millions $MXN (environ 321 millions $CA) et s’appuie sur le Fondo Especial para Financiamientos Agropecuarios (FEFA), la plus importante fiducie parmi les quatre constituées par le Fideicomisos Instituidos en Relación con la Agricultura (FIRA), une fiducie créée par la banque centrale du Mexique qui offre du crédit et du soutien technique aux secteurs de l’agriculture, de l’élevage, de la pêche et de la foresterie.

Grâce à cette opération, la Banque Scotia consolide sa position parmi les principaux responsables des registres sur le marché des obligations durables au Mexique. Afin d’aider à expliquer ce que ce nouvel instrument financier signifie pour le pays, Perspectives a échangé avec Jose Jorge Rivero, premier vice-président, Services bancaires aux grandes entreprises et Marchés capitaux – Opérations internationales et Daniel Gracian, premier directeur, Finance durable à la Banque Scotia pour l’Amérique latine. Les deux cadres ont participé à la conclusion de l’opération.  

Questions et réponses : 


Perspectives : Daniel, pouvez-vous expliquer en quoi consistent les obligations bleues ainsi que leur fonctionnement pour ceux qui n’en ont jamais entendu parler? 

Daniel Gracian : Les obligations bleues sont des instruments financiers servant à réunir des fonds pour financer des projets liés à l’eau, à la mer et aux océans qui visent à protéger l’environnement. Ces obligations s’intègrent dans le financement bleu, une subdivision du financement vert. Les produits des obligations bleues sont entièrement dédiés aux projets et aux activités liés à l’eau. 

Dans le cas qui nous concerne, l’obligation est émise par l’entremise du FIRA, une entité gouvernementale qui soutient l’agriculture et les activités connexes. Les fonds amassés grâce à l’obligation permettent de soutenir les projets liés à la pêche et à l’aquaculture à l’échelle locale, entre autres. Cette obligation bleue est d’une durée de 6 ans et assortie d’un taux fixe. 

Perspectives : Quel genre de projets l’obligation bleue du Mexique servira-t-elle à financer? 

Daniel Gracian : Le cadre de référence de l’obligation bleue trace les grandes lignes de plusieurs projets auxquels les fonds seront attribués, notamment l’aquaculture responsable, la pêche côtière à faible impact sur l’environnement et la pêche en haute mer responsable. 

Perspectives : Jose Jorge, il s’agit de la première obligation bleue axée sur la pêche et l’aquaculture durables au Mexique. Qu’est-ce que cela signifie pour le pays? 

Jose Jorge : Implantée au Mexique et dans la région de l’Amérique latine, la Banque Scotia soutient le montage d’obligations et le financement durables. Nous nous sommes engagés à investir 350 milliards de $CA à l’échelle mondiale dans le financement lié au climat d’ici 2030, et le Mexique fait partie des marchés cibles.

Cette obligation bleue est une première pour nous au Mexique et nous sommes vraiment fiers d’y participer. Nous explorons actuellement différents moyens de poursuivre nos efforts en collaboration avec le gouvernement mexicain, grâce à notre expertise et nos services-conseils offerts dans les marchés locaux et internationaux. 

Daniel Gracian : J’aimerais aussi ajouter que nous entendons soutenir nos clients qui veulent bâtir et faire croître des entreprises durables. Nous croyons qu’il existe des occasions qui peuvent favoriser la croissance des affaires au pays, stimuler le développement économique et soutenir la sécurité alimentaire, un aspect de grande importance en Amérique latine. Et, bien sûr, il ne faut pas oublier les avantages potentiels sur le plan environnemental, comme l’amélioration de la qualité de l’eau et la réduction de la pollution. 

Perspectives : Jose Jorge, vous avez abordé le sujet tout à l’heure mais pouvez-vous préciser davantage le rôle de la Banque Scotia dans cette obligation bleue? 

Jose Jorge : Bien sûr. La Banque Scotia agit à titre de coresponsable des registres pour l’émission de cette obligation. Cela signifie que nous avons aidé le FIRA à recruter des investisseurs intéressés à investir des fonds dans l’obligation et à réunir des millions de dollars pour ce fonds bleu. 

L’objectif de cette obligation bleue s’inscrit dans la réalisation de ces trois objectifs de développement durable du plan des Nations Unies d’ici 2030 : faim « zéro », consommation et production responsables et vie aquatique, comme l’a souligné le FIRA dans son cadre de référence des obligations durables. 

Perspectives : Daniel, expliquez-nous pourquoi il est important d’investir dans les pratiques de pêche et d’aquaculture durables au Mexique?

Daniel : Au Mexique, la pêche est une industrie d’envergure dont la valeur s’élève à 42 milliards de $MXN (environ 3 milliards de $CA), et elle constitue une source de revenus pour des centaines de milliers de personnes. C’est le cas non seulement pour les activités de pêche mais également celles de toute la chaîne d’approvisionnement qui y est associée.

La durabilité et l’efficacité sont évidemment très importantes, mais aussi difficiles à atteindre. J’estime que le Mexique a fait un bon travail il y a plus de 20 ans, en établissant des codes de conduite pour garantir une pêche responsable. De plus, de nombreuses organisations au Mexique s’affairent à promouvoir une gestion durable des pêches fondée sur la science, notamment en soutenant l’émission de permis de pêche de longue durée afin d’assurer des pratiques de pêche responsables qui se poursuivent à long terme. La préservation de la biodiversité grâce à la pêche durable et au maintien d’un écosystème marin équilibré est une autre façon d’y parvenir. Ces éléments sont extrêmement importants dans le contexte des changements climatiques, car tout est relié.  

Perspectives : Comment les investissements durables sont-ils conçus pour soutenir les objectifs de durabilité des clients? 

Daniel : Il existe deux principales catégories d’instruments de financement durable qui peuvent soutenir une économie bleue. La première catégorie est le financement affecté à un usage spécifique, qui permet de s’assurer que la totalité des fonds sont alloués à des projets verts ou sociaux, comme il est défini dans les taxonomies nationales ou les normes internationales comme celles qui sont publiées par l’International Capital Markets Association. La deuxième catégorie est le financement lié à la durabilité; les fonds qui entrent dans cette catégorie ne sont pas attribués à des projets précis mais plutôt liés à des indicateurs et des cibles environnementaux ou sociaux. Si ces cibles sont atteintes, les clients profitent généralement de prix avantageux. À l’inverse, si les cibles ne sont pas atteintes, les prix pourraient être touchés de façon défavorable. 

Perspectives : Pour finir, Jose Jorge, comment l’obligation bleue s’inscrit-elle dans la stratégie de financement durable plus vaste en Amérique latine?

Jose Jorge : Je crois que nous créons un précédent, pas seulement en Amérique latine, mais à l’échelle mondiale. Le Mexique pourrait se buter à de nombreuses difficultés à l’avenir, notamment des enjeux liés à l’eau, alors cette obligation a servi de tremplin pour amorcer la conversation au sujet d’autres catégories d’obligations bleues à l’échelle du pays. 

Ainsi, je crois que cette initiative permettra aux autres institutions financières de saisir l’importance des obligations et prouvera qu’il est possible de participer à leur création. Nous avons espoir que cette obligation soutiendra et favorisera le développement de l’industrie au Mexique, afin de positionner le pays en tant que leader dans la région de l’Amérique latine.